Contes Merveilleux Tome II
Puis, ce fut au tour du plus jeune de chercher les perles. Mais c’etait tellement difficile et cela prenait tellement de temps, qu’il se decouragea. Il s’assoya sur une roche et se mit a pleurer. A ce moment, la reine des fourmis, a qui il avait un jour porte secours, surgit avec cinq mille autres fourmis. Les petites betes chercherent les perles et cela ne leur pris guere de temps pour qu’elles les retrouvent toutes et qu’elles les rassemblent en un petit tas.
Fort de son succes, le jeune prince s’attaqua a la seconde epreuve: «La clef de la chambre des princesses git au fond du lac. Elle doit etre retrouvee avant le coucher du soleil. Si ce n’est pas le cas, celui qui l’aura cherche sera change en pierre.» Lorsqu’il arriva au bord du lac, les canards, qu’il avait un jour sauves, barbotaient encore. Ceux-ci plongerent dans les profondeurs du lac et rapporterent la clef au prince.
La derniere epreuve etait la plus difficile de toutes: «Parmi les trois filles du roi, il en est une qui est plus jeune et plus gentille que les autres. Elle doit etre reconnue avant le coucher du soleil. Celui qui se trompera, celui-la sera change en pierre.» Mais les trois princesses se ressemblaient toutes comme des gouttes d’eau. La seule chose qui permettait de les distinguer etait qu’avant d’etre changees en pierre elles avaient mange chacune une sucrerie differente: l’ainee avait mange un morceau de sucre; la deuxieme, un peu de sirop; la plus jeune, une cuilleree de miel.
C’est alors qu’arriva la reine des abeilles dont la ruche avait un jour ete sauvee par le jeune prince. Elle se posa sur les levres de chacune des princesses pour y gouter les cristaux de sucre qui s’y trouvaient colles. Finalement, elle s’arreta sur les levres de la troisieme, car elles avaient le gout du miel.
C’est ainsi que le jeune prince pu reconnaitre la plus jeune des princesses. A ce moment, le sort fut leve: toutes les plantes, tous les animaux et tous ceux qui avaient ete change en pierre reprirent vie, et les trois princesses se reveillerent.
Le jeune prince epousa la plus jeune et devint le roi apres la mort de son pere, tandis que ses freres marierent chacun une des deux autres princesses.
La Princesse Meline
Il etait une fois un roi. Il avait un fils qui avait demande la main de la fille d’un roi puissant. Elle s’appelait Meline et etait admirablement belle. Mais son pere avait refuse la demande du prince, car il avait deja decide de donner la main de sa fille a un autre prince. Or, les deux jeunes gens s’aimaient d’un amour tendre.
– Je ne veux que lui, declara Meline, et je n’en epouserai aucun autre.
Le pere se facha et fit construire une tour a l’interieur de laquelle pas un seul rayon de soleil ni la lueur de la lune ne pouvaient passer. Et il dit:
– Tu seras enfermee dans cette tour pendant sept ans; ensuite, je viendrai, pour voir si ton obstination et ton entetement ont ete brises.
On apporta dans la tour a manger et a boire pour sept ans et Meline et sa femme de chambre y furent emmenees et emmurees. Coupees de la terre et du ciel, elles devaient rester la, dans l’obscurite totale. Le prince venait souvent pres de la tour et appelait Meline par son nom, mais le mur epais ne laissait pas passer sa voix.
Et le temps passa et selon la quantite de nourriture et d’eau qui restait, Meline et sa femme de chambre devinerent que les sept annees touchaient a leur fin. Elles pensaient que leur liberation etait deja proche, mais aucun bruit de l’exterieur ne leur parvint. Elles n’entendirent pas des coups de marteau, pas la plus petite pierre du mur ne tomba. Elles n’avaient plus que tres peu de nourriture et une mort atroce les attendait. Meline dit alors:
– Il n’y a pas d’autre moyen: nous devons tenter de percer le mur.
Elle prit le couteau a pain et commenca a gratter et a fouiller le mortier pour essayer de degager une pierre; lorsqu’elle etait fatiguee, sa femme de chambre la remplacait. Elles travaillerent ainsi longtemps, jusqu’a ce qu’elles arrivassent a detacher une pierre, puis une deuxieme, puis une troisieme et au bout de trois jours elles purent percevoir le premier rayon de soleil. Finalement, la breche fut suffisamment grande pour qu’elles puissent voir dehors. Le ciel etait d’un bleu magnifique et une brise fraiche les salua. Mais quel spectacle s’offrait a leurs yeux! Du palais lui-meme il ne restait que des ruines, la ville et les villages a l’entour etaient brules et les champs etaient en friche. Et on ne voyait pas ame qui vive!
Lorsqu’elles eurent agrandi la breche dans le mur, suffisamment pour pouvoir se glisser a travers, elles sauterent a terre. Mais maintenant, que faire? L’ennemi avait devaste tout le royaume, et massacre toute la population. Elles se mirent a marcher, au hasard, pour trouver un autre pays. Mais elles ne trouverent ni un toit pour se refugier, ni une seule personne qui leur tende un morceau de pain. Tout allait si mal qu’elles finirent par arracher des orties pour se nourrir. Apres une longue marche, elles arriverent dans un autre royaume. Elles offraient leurs services partout mais ou qu’elles frappaient, personne n’en voulait et personne n’eut pitie d’elles. Finalement, elles arriverent dans une grande ville et se dirigerent vers le palais royal. Mais de la aussi, elles se firent chasser. Un jour, tout de meme, un cuisinier eut pitie d’elles et leur permit de rester pour l’aider a la cuisine.
Il arriva que le fils du roi de ce royaume etait justement le prince qui, autrefois, avait demande la main de Meline. Son pere lui avait choisi une fiancee laide et au c?ur dur. Le mariage approchait inexorablement, la fiancee etait deja la, mais a cause de sa laideur elle ne s’etait jamais montree. Elle s’etait enfermee dans sa chambre et Meline lui portait a manger directement de la cuisine.
Le jour des noces arriva et la mariee devait accompagner son futur epoux a l’eglise. Consciente de sa laideur, elle avait honte de se montrer en public elle dit alors a Meline:
– C’est ton jour de chance! je me suis tordu le pied et je ne peux pas bien marcher; tu mettras ma robe et tu me remplaceras lors du mariage.
Mais Meline refusa:
– Je ne veux pas etre honoree par ce qui ne m’est pas du de bon droit.
La mariee lui offrit meme de l’or, mais rien n’y fit. Voyant que la jeune fille ne cedait pas, elle se mit a la menacer:
– Si tu ne m’obeis pas, tu le paieras de ta vie.
Meline fut forcee d’obeir. Elle dut se vetir de la magnifique robe de mariee et se parer de ses bijoux. Lorsqu’elle entra dans la salle royale, tout le monde fut frappe par sa beaute. Le roi dit a son fils:
– C’est la mariee que je t’ai choisie et que tu conduiras a l’autel. Le marie fut frappe d’etonnement.
– C’est le portrait meme de Meline, pensa-t-il. Si je ne savais pas que ma bien aimee est enfermee depuis des annees dans sa tour et qu’elle est peut-etre meme deja morte, je croirais, ma foi, que je l’ai devant moi.
Il offrit son bras a la mariee et la conduisit a l’eglise. Des orties poussaient pres de la route et Meline leur dit: