Contes Merveilleux Tome II
– Ha, ha! ricana-t-elle, tu viens chercher la dame de ton c?ur, mais le bel oiseau n’est plus au nid et il ne chante plus: le chat l’a emporte, comme il va maintenant te crever les yeux. Pour toi, Raiponce est perdue tu ne la verras jamais plus!
Dechire de douleur et affole de desespoir, le fils de roi sauta par la fenetre du haut de la tour: il ne se tua pas; mais s’il sauva sa vie, il perdit les yeux en tombant au milieu des epines; et il erra, desormais aveugle, dans la foret, se nourrissant de fruits sauvages et de racines, pleurant et se lamentant sans cesse sur la perte de sa femme bien-aimee. Le malheureux erra ainsi pendant quelques annees, aveugle et miserable, jusqu’au jour que ses pas tatonnants l’amenerent dans la solitude ou Raiponce vivait elle-meme miserablement avec les deux jumeaux qu’elle avait mis au monde: un garcon et une fille. Il avait entendu une voix qu’il lui sembla connaitre, et tout en tatonnant, il s’avanca vers elle. Raiponce le reconnut alors et lui sauta au cou en pleurant. Deux de ses larmes ayant touche ses yeux, le fils de roi recouvra completement la vue, et il ramena sa bien-aimee dans son royaume, ou ils furent accueillis avec des transports de joie et vecurent heureux desormais pendant de longues, longues annees de bonheur.
Le Renard et le chat
Le hasard fit un jour que le chat, dans un bois, rencontra le seigneur renard. «Il est habile est plein d’experience, pensa le chat en le voyant, c’est un grand personnage dans le monde, respecte a cause de sa sagesse.» Aussi l’aborda- t-il avec beaucoup d’amabilite.
– Bonjour, cher Monsieur Renard, comment allez-vous? La sante est bonne, j’espere. Et par ces temps de vie chere, comment vous debrouiller vous?
Le renard, tout gonfle d’une morgue hautaine, considerera le chat des pieds a la tete et de la tete aux pieds, se demandant pendant un bon moment s’il allait ou non donner une reponse a cet insolent animal.
– Dis donc, toi, miserable Leche-Moustaches, espece de drole, espece d’Arlequin grotesquement tache, espece de creve-la-faim de chasseur de souris, qu’est-ce qu’il te prend? Et d’ou te permets-tu de venir me demander aussi familierement de mes nouvelles? Qui te crois-tu donc, malheureux? Que sais-tu? Combien d’arts connais-tu? Quelles sont les ressources?
– Je n’en ai qu’une seule, repondit modestement le chat.
– Ah oui? Et quoi? fit le renard.
– Quand les chiens se mettent a mes trousses, dit le chat, je peux grimper a un arbre et me sauver.
– Et c’est tout? laissa tomber le renard avec dedain. Sache ce que moi, je suis le maitre des ruses par centaines et que j’ai, par-dessus, tout un sac a malices! Tu me fais pitie, tiens! Viens avec moi et je te montrerai comment on se defait des chiens.
Au beau milieu de ce discours arriva un chasseur qui avait quatre chiens avec lui. Le chat bondit vivement sur un arbre et se refugia tout au sommet, dans les dernieres branches, ou il se tint cache dans le feuillage.
– Ouvre ton sac, seigneur renard! Ouvre ton sac, c’est le moment! cria le chat du haut de son arbre.
Mais les chiens l’avaient pris deja et le tenaient ferme.
– Hola, seigneur renard! cria encore le chat, vous vous etes empetre dans vos centaines de ruses; mais si vous n’aviez su que grimper comme moi, votre vie vous serait restee!
Rumpelstiltskin
Il etait une fois un pauvre meunier qui avait une fille d’une grande beaute. Un roi s’arreta un jour pour bavarder un peu et le meunier, pour se rendre interessant, vanta les qualites de sa fille:
– Ma fille sait filer de l’or avec de la paille.
– Ca alors! dit le roi, je saurais apprecier un tel talent. Si ta fille est vraiment aussi habile que tu le dis, amene-la demain au chateau. Nous la mettrons a l’epreuve.
Le lendemain, la jeune fille se presenta au chateau. Le roi la conduisit dans une piece ou il y avait de la paille jusqu’au plafond. Puis il lui remit une quenouille et lui designa un rouet.
– Mets-toi au travail, ordonna-t-il. Si avant l’aube tu n’arrives pas a transformer cette paille en or, tu n’echapperas pas a la mort.
La pauvre jeune fille s’assit, ne sachant quoi faire. Sa vie etait menacee, mais elle n’avait pas la moindre idee de la facon dont on pouvait transformer de la paille en or. Elle avait le c?ur serre et, ayant de plus en plus peur, elle se mit a pleurer.
Soudain, la porte s’ouvrit et un petit lutin entra dans la piece.
– Bonjour, jeune fille, la salua-t-il. Pourquoi pleures-tu a chaudes larmes?
– Ah! soupira la jeune fille, je dois filer de la paille pour en faire de l’or et je ne sais pas le faire.
– Que me donnerais-tu si je le faisais a ta place? demanda le petit homme.
– Le collier que je porte au cou, proposa la fille.
Le lutin prit son collier, puis il s’assit au rouet et le fit tourner – vrrr-vrrr-vrrr -, il tira trois fois et une quenouille fut pleine. Il en mit une autre et – vrrr-vrrr-vrrr – une deuxieme fut remplie. Et ainsi de suite jusqu’au petit matin. A l’aube, toute la paille etait filee et de l’or brillait sur toutes les bobines.
Le soleil etait a peine leve que le roi etait deja la, et il n’en revenait pas. Seulement, voyant tout cet or, il se frotta les mains, car comme il etait tres avare, il en voulait plus encore. Il fit amener la fille du meunier dans une autre piece remplie de paille, beaucoup plus grande encore que la precedente, et il ordonna qu’elle la filat en une nuit si elle voulait avoir la vie sauve.
La jeune fille ne sut quoi faire et se mit a pleurer. Mais la porte s’ouvrit a nouveau et notre petit homme entra et dit:
– Que me donneras-tu si je transforme cette paille en or?
– Ma bague, repondit la jeune fille, et elle enleva la bague de son doigt.
Le lutin prit la bague et se mit au travail. Le rouet commenca a tourner et il tourna et tourna, jusqu’a l’aube. Et comme la veille, la paille avait disparu et le fil d’or brillait sur les bobines.
Le roi fut fou de joie, mais il estima qu’il n’en avait pas assez; il en voulait toujours plus, encore et encore. Et il fit donc amener la fille du meunier dans une troisieme piece, plus grande encore que la precedente et ordonna:
– Tu fileras cette paille cette nuit. Et si tu reussis, je t’epouserai.
A peine la jeune fille fut-elle seule, que le petit homme se montra pour la troisieme fois et demanda a nouveau:
– Que me donneras-tu cette fois-ci, si je file ta paille?
– Que pourrais-je te donner? repondit la jeune fille, je n’ai plus rien.