La musique d'une vie
Berg a choisi un fauteuil au tout dernier rang, là où la lumière ne parvient presque pas. Placés de biais, nous voyons, derrière les plis du rideau écarté, dans cette ombre des coulisses d'où surgissent d'habitude les artistes, une silhouette, l'ovale d'un visage.
– Il doit avoir le trac, murmure Berg, les yeux fixés sur ce recoin.
Il est assis, un peu rigide, l'air lointain et comme rajeuni.
A cet instant le pianiste apparaît, ce jeune guetteur dont nous devinions l'attente derrière le rideau. La salle applaudit avec une parcimonieuse politesse de bienvenue. Je me retourne vers Berg pour lui proposer la feuille pliée du programme. Mais l'homme paraît absent, paupières baissées, visage impassible. Il n'est plus là.