Contes Merveilleux Tome II
Le garcon s’en alla dans le champ et commenca a faucher. Il fauchait sans faire de bruit et si vite que les gens le regardaient bouche bee, retenant leur souffle. Ils s’empresserent de lui donner ce qu’il voulait en echange de la faux et lui amenerent un cheval avec un chargement d’or aussi lourd qu’il pouvait porter.
Le troisieme frere decida de tenter sa chance avec son chat. Tant qu’il restait sur la terre ferme, il n’avait pas plus de succes que ses freres; il ne trouvait pas son bonheur. Mais un jour il arriva en bateau sur une ile, et la chance lui sourit enfin. Les habitants n’avaient jamais vu de chat auparavant, alors que les souris sur l’ile ne manquaient pas. Elles dansaient sur les tables et les bancs, regnant en maitres partout, en dehors comme au-dedans. Les habitants de l’ile s’en plaignaient enormement, le roi lui-meme etait impuissant devant ce fleau.
Quelle aubaine pour le chat! Il se mit a chasser les souris et bientot il en debarrassa plusieurs salles du palais. Les sujets de tout le royaume prierent le roi d’acheter cet animal extraordinaire et le roi donna volontiers au garcon ce qu’il en demandait: un mulet charge d’or. C’est ainsi que le plus jeune des trois freres rentra a la maison tres riche et devint un homme tres opulent.
Et dans le palais royal, le chat s’en donnait a c?ur joie. Il se regala d’un nombre incalculable de souris. Il chassa tant et si bien qu’il finit par avoir chaud et soif. Il s’arreta, renversa la tete en arriere et miaula:
– Miaou, miaou!
Quand le roi et ses sujets entendirent ce cri etrange, ils prirent peur, et les yeux exorbites, ils s’enfuirent du palais. Dehors, le roi appela ses conseillers pour decider de la marche a suivre. Que faire de ce chat? Finalement, ils envoyerent un messager pour qu’il lui propose un marche: soit il quittait le palais de lui-meme, soit on l’expulsait de force.
L’un des pages partit avec le message et demanda au chat de quitter le palais de son plein gre. Mais le chat, terriblement assoiffe, miaula de plus belle:
– Miaou, miaou, miaou-miaou-miaou!
Le page comprit: Non, non, pas question! et alla transmettre la reponse au roi.
– Eh bien, deciderent les conseillers, nous le chasserons par la force.
On fit venir un canon devant le palais, et les soldats le tirerent jusqu’a ce qu’il s’enflammat. Lorsque le feu se propagea jusqu’a la salle ou le chat etait assis, le vaillant chasseur sauta par la fenetre et se sauva. Mais l’armee continua son siege tant que le palais ne fut pas entierement rase.
Les Trois fileuses
Il etait une fois une fille paresseuse qui ne voulait pas filer le lin. Un jour, sa mere se mit si fort en colere qu’elle la battit et la fille pleura avec de gros sanglots. Justement la reine passait par la. Elle fit arreter son carrosse, entra dans la maison et demanda a la mere pourquoi elle battait ainsi sa fille. La femme eut honte pour sa fille et dit:
– Je ne peux pas lui oter son fuseau et elle accapare tout le lin. La reine lui repondit:
– Donnez-moi votre fille, je l’emmenerai au chateau; elle filera autant qu’elle voudra.
Elle la conduisit dans trois chambres qui etaient pleines de lin magnifique.
– Maintenant file cela, dit-elle, et quand tu en auras termine, tu epouseras mon fils aine.
La jeune fille eut peur: elle ne savait pas filer le lin. Et lorsqu’elle fut seule, elle se mit a pleurer et resta la trois jours durant a se tourner les pouces. Le troisieme jour, la reine vint la voir. La jeune fille prit pour excuse sa tristesse qui l’avait empechee de commencer. La reine la crut, mais lui dit:
– Demain il faut que tu te mettes a travailler!
Lorsque la jeune fille fut seule, elle ne sut de nouveau plus ce qu’elle allait faire et, toute desolee, elle se mit a la fenetre. Elle vit trois femmes qui s’approchaient. La premiere avait un pied difforme, la deuxieme une levre inferieure qui lui couvrait le menton et la troisieme un pouce extraordinairement large. Elle resterent plantees sous la fenetre, regarderent en l’air et demanderent a la jeune fille ce qui lui manquait. Elle leur expliqua ce qu’elle voulait. Les trois dirent alors: – Si tu nous invites au mariage, si tu n’as pas honte de nous, si tu nous dis tantes et si tu nous faire prendre place a ta table, alors, tres vite, nous filerons le lin.
– De tout c?ur, bien volontiers, dit-elle. Venez ici et mettez-vous tout de suite au travail.
Elle fit entrer les trois femmes etranges et leur installa un coin dans la premiere chambre, ou elles se mirent a filer. L’une tirait le fil et faisait tourner le rouet, la deuxieme mouillait le fil, la troisieme frappait sur la table avec son doigt et une mesure de lin tombait par terre a chaque coup de pouce.
La jeune fille cacha les trois fileuses a la reine et, chaque fois qu’elle venait, elle lui montrait l’enorme quantite de lin deja traitee. La reine ne tarissait pas d’eloges. Lorsque la premiere chambre fut debarrassee, ce fut au tour de la deuxieme et, finalement, de la troisieme. Alors, les trois femmes prirent conge de la jeune fille en lui disant:
– N’oublie pas ce que tu nous a promis, ce sera pour ton bonheur!
Lorsque la Jeune fille montra a la reine les trois chambres vides et le lin file, celle-ci prepara les noces et le fiance se rejouit de prendre pour epouse une femme aussi adroite et il la loua fort.
– J’ai trois tantes, dit-elle, et comme elles ont ete tres bonnes pour moi, je voudrais bien ne pas les oublier dans mon bonheur. Permettez que je les invite a ma table.
La reine et le fiance repondirent:
– Pourquoi ne les inviterions-nous pas?
Lorsque la fete commenca, les trois femmes arriverent magnifiquement vetues et la fiancee dit:
– Soyez les bienvenues, cheres tantes.
– Oh! dit le fiance, comment se fait-il que tu aies de l’amitie pour d’aussi vilaines personnes?
Il s’approcha de celle qui avait un pied difforme et lui dit
– D’ou vous vient ce pied si large?
– D’avoir pedale au rouet, repondit-elle.
Il vint a la deuxieme et dit:
– D’ou vous vient cette levre pendante?
– D’avoir leche le fil, repondit-elle.
Il demanda a la troisieme:
– D’ou vous vient ce pouce si large?
– D’avoir tordu le fil, dit-elle.
Alors le fils du roi dit:
– Que plus jamais ma jolie fiancee ne touche a un rouet.
Et c’est ainsi que la jeune fille n’eut plus jamais a faire ce qu’elle detestait.